lundi 20 octobre 2008

L'égalité dans le samsara

Pour être tendance, on se doit aujourd'hui de réclamer l'égalité et la parité partout.

Petite précision (d'importance) : on peut se permettre de manifester de la sorte quand on vit dans des pays et des sociétés comme les nôtres, où les droits de l'homme (incluant la femme, mais si) ne sont pas lettres mortes.
Parce que chez certains de nos voisins proches, ...

Et pourtant ! L'égalité, nous en jouissons "naturellement", hélas, en ce bas monde.
En tant qu'êtres encore soumis au samsara (je parle de moi et de mes semblables, pas de vous), nous sommes fondamentalement égaux devant la souffrance et ses causes, à commencer par "les trois poisons de l'esprit" que sont l'aversion, l'attachement et avant tout l'ignorance - la racine première de tous les maux.

Mais nous sommes aussi fondamentalement égaux dans notre capacité à nous libérer : le mahâyâna, en tout cas, admet que tout être est porteur de la nature de Bouddha. Ce qui ne signifie pas qu'il est déjà Bouddha, mais qu'il est appelé à le devenir un jour ou l'autre.

En dehors de cela, la justice et la perfection sont-elles de ce monde (sous-entendu le samsara) ? Certainement pas !

A ce que j'ai entendu dire, par définition, le samsara est souffrance, et la seule vraie solution serait non pas de désespérément tenter de l'améliorer de l'intérieur - entreprise vouée à l'échec -, mais d'appliquer avec ardeur et détermination les moyens permettant de s'en débarrasser définitivement, soi et autrui.

Bien sûr, ceci n'est en rien une excuse pour ne (plus ?) rien faire sur le plan ordinaire.

Si un affamé frappe à notre porte, donnons-lui quand même à manger. D'accord, ça ne sert pas à grand chose : il aura à nouveau faim dans quelques heures, mais à ce compte-là, nous non plus ne devrions plus nous alimenter.
Et si nous assistons à des actes de cruauté, et que nous ayons les moyens d'intervenir, même si cele n'apporte qu'une amélioration passagère et très limitée, n'attendons pourtant pas pour agir : un léger mieux est ... mieux que rien.

MAIS agissons sans illusion : quoi que nous fassions, nous ne pourrons pas rendre BON le samsara !


Décès de Soeur Emmanuelle

Je viens d'ouvrir l'ordinateur, et je tombe sur le communiqué suivant, issu de l'AFP il y a huit minutes :
"Soeur Emmanuelle, qui a dédié sa vie aux plus pauvres, est décédée lundi à l'âge de 99 ans, a annoncé dans un communiqué Trao Nguyen, président d'Asmae-Association Soeur Emmanuelle."

Je suppose que la fervente pratiquante qu'elle était a accueilli la mort avec une joie immense.
C'est le challenge qui est proposé aux pratiquants bouddhistes également, même si l'arrière-plan doctrinal est très différent.

Quelles prières énoncer ?
Vis-à-vis de Soeur Emmanuelle, je ne sais, car - ainsi que le disent les traités bouddhistes -, un être ordinaire (comme moi) est incapable de reconnaître en tant que tel un être supérieur. Il faut être soi-même devenu bodhisattva pour "voir" clairement que X ou Y est bodhisattva, ou Bouddha. En-deça, on peut "croire que", "estimer que", mais on n'a pas de certitude.

Je vais donc opter pour une formulation large, du genre : "Puisse tout se dérouler au mieux pour feu Soeur Emmanuelle, et d'une manière conforme à ses souhaits."
"Puisse son oeuvre perdurer et se développer, pour le bien des êtres en difficulté."


samedi 18 octobre 2008

Samsara

Si vous avez envie d'en savoir plus l'Inde d'aujourd'hui et d'hier, "en vous amusant", d'après les critiques (littéraires).
Merci à Marie de m'avoir conseillé ce livre... Lu à l'éclairage du lamrim, il est passionnant. Et terrifiant. Une excellente photo du samsara.

LES FABULEUSES AVENTURES D'UN INDIEN MALCHANCEUX QUI DEVINT MILLIARDAIRE

par Vikas Swarup

Quand le jeune Ram Mohamad Thomas devient le grand vainqueur de 'Qui veut gagner un milliard de roupies ?', la production soupçonne immédiatement une tricherie. Comment un serveur de dix-huit ans, pauvre et inculte, serait-il assez malin pour répondre à douze questions pernicieuses ? Accusé d'escroquerie, sommé de s'expliquer, Thomas replonge alors dans l'histoire de sa vie... Splendeur et misère de l'Inde d'aujourd' hui ou les rocambolesques aventures d'un gamin des rues qui rêve de devenir quelqu'un.

Les objets d'attachement

L'une de mes amies a récemment évoqué devant moi ce qu'elle appelait "les objets d'attachement".
Il m'a semblé que, dans son idée, certaines choses seraient par définition, ou encore par eux-mêmes, des "objets d'attachement".

Cela m'a posé question. Vous savez - "la paille et la poutre" : c'est toujours plus facile de critiquer l'autre que de voir ses propres errements.
J'ai d'abord été étonnée qu'elle envisage, apparemment, le sujet de cette manière (mais c'était peut-être une projection de ma part, après tout), puis j'ai essayé de regarder de plus près ma propre vision.

Intellectuellement parlant, je "sais", disons j'admets qu'il n'existe aucun objet d'attachement en soi, pas plus d'ailleurs qu'aucun objet en soi en général. C'est ce que mes Maîtres m'ont dit, répété et expliqué maintes fois.

O.K. en ce qui concerne la théorie.
Hélas, sur le terrain, ça se gâte ! Le tout est de trouver un domaine particulièrement sensible pour soi - la nourriture, la mode, le pouvoir, l'argent ou autre. Après, il s'agit d'arriver à observer ses propres réactions au naturel. Pas si simple. Mais édifiant !...

Après, les épithètes de l'attachement deviennent plus "palpables", plus parlantes. La glue, comme disent les textes, ou encore l'huile qui macule et imprègne le tissu.


vendredi 17 octobre 2008

La compassion : qualité masculine ou féminine ?

Pas plus tard que, cette semaine, j'ai vu l'une de mes amie s'étonner que le bouddhisme mette la compassion au rang des qualités "masculines, alors qu'à ses yeux c'est une qualité résolument "féminine".

Cas typique où on n'accorde peut-être pas le même sens aux mots.

Déjà il faudrait bien définir ce qu'on entend par compassion, qui n'est ni apitoiement ni sensiblerie.
D'après ce que j'ai retenu des Enseignements de mes Maîtres, la compassion consiste à prendre conscience de la souffrance de l'autre et à la juger inacceptable, d'où le souhait qu'elle s'apaise. Voire la prise de responsabilité d'oeuvrer à cette fin.

Maintenant, quel serait le genre (masculin ou féminin) de cet état d'esprit ?

D'accord, en français, le mot est au féminin. Le mot. Le contenu aussi forcément ? Pas toujours. Exemple : "le" professeur peut être une femme, etc.

Dans le bouddhisme, en tout cas dans la branche mahâyâna, il est dit que l'obtention de l'Eveil de Bouddha procède du parchèvement des deux classes de qualités : celles qui s'apparentent à la méthode et celles qui relèvent de la sagesse (au sens de discernement ; pas la "sagesse" grecque).

La sagesse est aussi qualifiée de "Mère", et elle est donc "féminine".
La "méthode", qui inclut toutes les qualités en dehors des divers aspects revêtus par la sagesse, symbolise quant à elle le "Père" et donc le côté masculin.

Pourquoi ?
N'oublions pas que l'Enseignement du Boudha est issu de la culture indienne, avec en toile de fond une société à castes.

Par analogie, la sagesse est la "Mère" car tous les êtres réalisés (arhat, Bouddhas, bodhisattva) naissent d'elle.
La méthode est le "Père" car de même que la caste d'un Indien est déterminée par celle de son père, la "caste", ou le "lignage", des êtres réalisés dépend de l'ampleur de la compassion et de l'amour développés, ou encore de la présence ou non de l'esprit d'Eveil.

C'est de ce point de vue là que la compassion est considérée comme une qualité "masculine".
Mais elle n'est un apanage ni des hommes ni d'ailleurs des femmes. Seulement des personnes au grand coeur.
Enfin, je crois.


Sortie de l'hôpital

Ca y est, Sa Sainteté a quitté l'hôpital de Delhi hier, jeudi.
D'après son entourage (très attentif, soyons-en sûrs), il est en pleine forme. D'ailleurs, dès la fin octobre, les voyages autour du monde vont reprendre de plus belle, en commençant par le Japon.

Après tout, ce ne sont pas quelques menus décalages horaires, ou quelques légères variantes climatologiques ou alimentaires qui pourraient freiner le rétablissement d'un jeune homme de 73 ans à peine.

Les congés de maladie ou de convalescence, non, ça ne fait pas partie du package des lamas.

On a trop foi en eux pour pouvoir ne serait-ce qu'imaginer qu'ils puissent avoir envie/besoin de se reposer, n'est-ce pas ?

mardi 14 octobre 2008

Sa Sainteté hospitalisé à Delhi

Hospitalisé à New Delhi jeudi dernier, Sa Sainteté le Dalaï Lama a été opéré vendredi (calculs dans la vessie, d'après certains journaux).

A Mundgod, et sans doute ailleurs, les cérémonies succèdent aux cérémonies.
Les moines de Ganden se relaient pour réciter les Louanges à Tara 24 heures sur 24, ai-je appris.

Ils montrent ainsi un exemple de ce qu'il est bien de faire quand on s'inquiète pour la santé de son Maître (ou de quelqu'un d'autre, d'ailleurs).

L'habit fait le moine

Il y a environ deux semaines, j'ai assisté aux obsèques de l'un de mes voisins à l'église de la petite ville où j'habite.
Pas de prêtre - le curé du "coin" est en charge de je ne sais combien de paroisses, et il est totalement débordé.
La cérémonie (qui n'est pas une messe, faute d'officiant assermenté) est célébrée par deux laïcs, en civil. Âgés. Ils font de leur mieux, indéniablement. Mais ...
Un enterrement n'a jamais rien de bien gai. Mais là, c'est sinistre. J'en suis navrée pour la famille qui aurait bien eu besoin d'un réconfort.

Avant-hier, me revoilà dans une église. A Paris. Pour assister à la première prédication d'un ami ordonné diacre il y a huit jours. L'office est célébré par le curé, assisté de son diacre. Tous deux ont revêtu aubes, étoles et chasubles.
Eh bien, rien que ça, ça change déjà l'ambiance !

Pourquoi ici parler "chiffons" ?

Parce qu'en France, et sans doute dans les autres pays occidentaux, pas mal de religieux bouddhistes n'osent plus porter l'habit, en tout quand ils sortent.

Je trouve que c'est dommage.

Je reconnais que les premiers jours après l'ordination, je n'étais pas particulièrement à l'aise pour sortir dans la rue avec ma nouvelle tenue.
Je craignais le regard des autres, surtout celui des personnes âgées.

Je m'inquiétais à tort.
Faute de signes visibles, les gens ne savent plus à qui s'adresser. Je suis donc parfois abordée dans la rue, le train, le bus, par des personnes (hommes comme femmes) d'un certain âge, voire d'un âge certain, qui éprouvent le besoin d'exprimer leur peur de la mort, et demandent des prières.
A quelqu'un d'une autre religion qu'elles !

La morale de l'histoire (très subjective) : osons les symboles !

Le renoncement

Un exemple contemporain.

Comme quoi la lecture des journaux et équivalents peuvent illustrer le lamrim, en fonction du regard que l'on porte sur eux.

Quand un trader quitte tout pour devenir moine

Passé des salles de marchés aux cités populaires, l'ex-trader millionnaire Henry Quinson, aujourd'hui moine et éducateur dans les quartiers pauvres du nord de Marseille (sud-est), vit sa reconversion comme une quête de sens, loin de la crise financière.

"Je me rends compte que j'ai vécu dans trois lieux qui font fantasmer les gens parce qu'on en parle beaucoup et que très peu de gens les connaissent: une salle de marché, un monastère et une cité HLM (logements populaires), ça donne une forme de continuité à mon itinéraire", dit-il.

Il y a près de vingt ans, à 28 ans, ce Franco-Américain abandonnait une augmentation de 30% et un confortable bonus offerts par la banque Indosuez où il travaillait pour se retirer dans un monastère.

Cette décision avait stupéfait ses proches et sa hiérarchie, persuadée qu'il partait à la concurrence pour une offre plus lucrative.

Mais le dieu-dollar ne séduisait plus ce jeune financier élevé à New York dans une famille pratiquante, qui décida, la "trouille au ventre", de rejoindre l'abbaye cistercienne de Tamié, dans les Alpes, pour se consacrer à la prière et à la fabrication de fromage.

C'est juste avant cette retraite de presque six ans qu'il eut une vision: "Je me suis vu à Marseille, où je n'étais jamais allé, où je ne connaissais personne, entouré d'enfants maghrébins à qui je faisais l'école".

Vision devenue réalité en 1996 avec son arrivée dans les quartiers Nord et la création de la fraternité religieuse St-Paul dans une cité dont 70% des habitants sont musulmans.

Avant cela, il s'est "débarrassé" de ses millions en les cédant à différentes associations et non à l'Eglise catholique. "C'est bien de faire des discours sur les pauvres, mais c'est encore mieux d'en faire partie", explique-t-il.

Dans l'appartement qu'il partage dans la cité avec l'un des quatre moines de sa fraternité, son quotidien mêle prières, cours d'anglais, soutien scolaire aux enfants, écoute, mission d'écrivain public et aide aux étudiants pour décrocher des bourses d'étude.

Ce moine moderne, maniant avec autant d'aisance l'humour que les références bibliques, estime que l'argent "perturbe la relation avec les personnes" et préfère "faire de l'éducatif".

"Si un jeune vient chez nous trois jours par semaine pendant dix ans, il va non seulement faire des progrès scolaires mais sa vision du monde va être transformée", juge-t-il.

Ce qui lui manque le plus de sa précédente vie, ce n'est ni l'argent, ni l'effervescence des marchés mais... les femmes: "peut être la plus grande souffrance", avoue-t-il.

Sur la crise financière, il reste philosophe. "Un gros rhume pour le marché", tranche-t-il, estimant qu'il "y a toujours eu des crises même si celle-ci est particulièrement grave".

"J'ai conseillé à tous ceux qui me le demandaient il y a un an de complètement sortir du marché d'actions, je ne sais pas s'ils m'ont écouté", sourit-il.

"Aujourd'hui mon salaire annuel de professeur à l'Education nationale correspond à une prime mensuelle de mon salaire de trader à l'époque", mais, poursuit-il, "j'ai infiniment plus de pouvoir en tant que professeur qu'en tant que trader", car "la vraie richesse, c'est l'éducation", "seule apte à changer le monde".


vendredi 3 octobre 2008

Liberté chérie

Je trouve savoureux les proverbes et autres adages, pas vous ?

En particulier, l'incorrigible Française que je suis (vous savez, avec un fond culturel fortement ancré, style "droits de l'homme", goût de la démocratie, esprit cartésien, etc.) apprécie particulièrement cette expression tibétaine :
tshong dang bla ma gang zag gsum, littéralement "dans les trois cas du commerce, du lama et des gens".

Le sens est que tout un chacun est libre de ses choix dans les trois domaines privilégiés que sont : faire ou non un négoce ; suivre ou non un Maître ; fréquenter ou non quelqu'un, et que ce sont là des libertés naturelles et intangibles.

C'est là l'une des raisons qui m'ont décidé à opter pour la voie bouddhiste.

Par exemple, "fréquenter ou non quelqu'un", n'est-ce pas un droit fondamental pour tout être ? Et pas seulement humains, à mon avis - de là la chattière qui, "chez moi" (expression tout ce qu'il y a de plus conventionnelle), permet aux deux chats venus s'installer sur le même terrritoire que moi d'aller et venir à leur guise.

L'activité spontanée des Bouddhas

Quoique les qualités des Bouddhas soient infinies, indescriptibes et par suite inconcevable, il est coutume de les consenser en trois aspects principaux : mkhyen rtse nus gsum : omniscience, compassion et pouvoirs.

mkhyen : La connaissance des Bouddhas est totale. Eux seuls ont la capacité de percevoir en même temps le plan utime et le plan relatif des phénomènes existant.

rtse : La (grande, bien sûr) compassion des Bouddhas embrasse tous les êtres, en toute impartialité, que les êtres aient des comportements amicaux ou inamicaux à leur égard.

nus : Les Bouddhas ont réalisé tous les pouvoirs possibles - je précise, car il est bien spécifié dans les Traités qu'ils ne peuvent accomplir l'impossible : ça paraît évident, mais... Ainsi les Boudhas ne peuvent-il pas modifier les propriétés physiques des grands éléments (terre, eau, feu, air) ni arranger à leur guise les karma des êtres (sinon, il y a longtemps que plus personne ne moisirait dans le samsara. Las, chacun est le seul artisan de ses propres karma).

C'est parce que les Bouddhas détiennent de telles facultés que leur activité est désormais spontanée, c'est-à-dire qu'elle s'accomplit sans plus leur demander d'effort, pas même simplement "d'y penser".
En clair, cela signifie que, sitôt que quelque part, un quelconque être est "mûr" pour recevoir une quelconque aide, les Bouddhas la lui apporte instantanément, sous la forme adéquate (nourriture, médicament, eau, pont, véhicule, Enseignement, etc.).

Il est dit qu'en réalité, l'activité des Bouddhas est ininterrompue. Mais pour que des résultats se produisent, il est également admis qu'une cause unique ne suffira jamais.
Il est nécessaire qu'il y ait conjonction entre l'aide apportée par les Bouddhas (constante) et l'ouverture, ou encore la disponibilité des êtres en demande d'aide.

En bref, la balle est dans notre camp. A nous de jouer !

mercredi 1 octobre 2008

Pour que les Maîtres demeurent

Nonobstant l'article précédent, il est certainement plus agréable que nos Maître demeurent en vie le plus longtemps possible pour nous dispenser des Enseignements d'une manière plus douce.

Oui, Lydie, la longévité du Maître dépend des karma, c'est à dire des mérites, de leurs disciples. Et aussi des tâches qu'ils peuvent ou non accomplir pour le moment.

Si un Maître montre des signes de maladie, que peut-on faire ?
Prier "pour" lui ? Oui, mais pas comme on le fait dans le cas d'un ami ou un parent - ce qui reviendrait à sous-estimer le Maître.

Il faut en fait adresser des requêtes au Maître pour qu'il fasse en sorte de demeurer encore longtemps.
Il est utile aussi d'essayer d'accumuler des karma positifs (tous domaines confondus), dédiés à la longévité du Maître et à l'accomplissement de son oeuvre, etc.

Vie et mort des Bouddha et Maîtres

Dimanche dernier, à Veneux, une personne a demandé à Rinpoche quelles pouvaient bien être les raisons du parinirvana (en clair, de la mort) d'un Bouddha.

Rinpoche a expliqué que le but de tout Bouddha (et donc, de tout Maître) est de venir en aide aux disciples prêts à recevoir une aide, principalement en leur prodiguant des Enseignements, qui portent sur les sujets les plus divers, dont tout particulièrement l'impermanence, et la mort (qui est une forme très grossière de l'impermanence).
La mort d'un Bouddha
, a dit Rinpoche, est en fait un Enseignement sur l'impermance, une mise en garde : les Bouddhas ne sont plus soumis aux contraintes ordinaires, mais leurs disciples si. Or, ils ont une fâcheuse tendance à ne pas vouloir regarder la réalité en face. D'où de tels Enseignements, concrets et un tantinet brutaux - hélas.

Mais, Chère Lydie, dans un cas tel que celui du 100ème Ganden Tripa qui est pour le moment en état de mort clinique, tout en poursuivant manifestement une méditation (par définition, sur la vacuité)
, outre le rappel de l'issue fatale de toute naissance, il y a également la démonstration flagrante que la pratique peut aboutir à des résultats indéniables !

Il faut être parvenu à un haut niveau de réalisation pour ainsi être capable d'utiliser la claire lumière de la mort.
C'est difficile, mais pas impossible, même de nos jours, nous montre ce Maître plein d'amour et de compassion - un vieil ami de Genlags, ajouterai-je, pour ceux qui pourront situer : ils étaient ensemble à Varanasi, avec l'actuel Ganden Tripa (Geshe Longri Namgyal-lags) ou encore Geshe Jampa Gyatso de Pomaïa, décédé l'an dernier.

En m'apprenant la mort de son ami, Genlags m'a aussi parlé de la disparition de l'un de ses principaux Maîtres : Phara Rinpoche, à Buxa. Lui aussi est resté quelque temps en méditation après la mort apparente, environ sept jours (en pleine chaleur du Bengale).
Genlags m'a dit que la tristesse profonde qui l'avait envahi à l'annonce du décès s'est dissipée lorsqu'il est venu saluer la dépouille et qu'il a vu son Maître rayonnant, magnifique, pas du tout "mort" au sens habituel du terme. Jamais il n'avait semblé aussi "vivant" !

L'équanimité

Quelles sont les qualités fondamentales des Bouddhas, ou plus généralement du grand véhicule (mahâyâna) ?

Je parie que beaucoup vont me répondre : la sagesse et la compassion, ou encore l'esprit d'Eveil, l'amour, etc.
C'est vrai.

Mais reprenons le lamrim au chapitre afférent : pour devenir Bouddha, il faut avoir réalisé l'esprit d'Eveil spontané, lequel suppose d'avoir développé l'engagement supérieur, lequel requiert la compassion, qui se fonde sur l'amour (en tant qu'amitié - yid 'ong byams pa -, l'autre forme d'amour apparaissant avant ou après la compassion en fonction des tempéraments), etc. etc., le tout reposant sur l'EQUANIMITE.

Alors, on ne me fera pas croire que si le "moindre" bodhisattva fraîchement émoulu doit avoir réalisé l'équanimité (pas l'indifférence, je vous prie ! L'équanimité consiste en l'égalité d'esprit, ou encore en l'impartialité), le Bouddha pourrait favoriser les uns (les moines) au détriment des autres (les nonnes).

En tant que bouddhiste novice, j'ai du mal à bien cerner l'ampleur de la prise de refuge, mais quand même ! Il me semble qu'adresser des critiques à l'adresse du Bouddha, en le taxant ouvertement ou presque de "machisme", est carrément à l'encontre de la prise de refuge - dont la teneur est la foi en le Bouddha et son Enseignement (dont le Vinaya), si je ne m'abuse.

Le Premier Ministre à Ganden

Non, ce n'est de Monsieur Fillon que je parle, mais de Samdong Rinpoche - Premier Ministre du Gouvernement tibétain en exil, qui siège à Dharamsala.
Et par Ganden, j'entends ici le monastère de Ganden reconstitué à Mundgod, dans le Sud de l'Inde ; pas la Terre pure de Maitreya.

Donc, en déplacement à Mundgod où il était venu discuter agriculture avec les villageois (qui rencontrent bien des problèmes, les malheureux), Katri (Bka' tri) Rinpoche, pour reprendre le titre en vigueur a fait un détour par Ganden, plus exactement Ganden Shartse, et plus précisément encore par Trijang Labrang : la Demeure de Kyabje Trijang Dorjechang.
Le Premier Ministre en exercice s'est prosterné devant la satue du Tuteur junior de Sa Sainteté le Dalaï Lama, a offert une khata de cérémonie, puis s'en est retourné à Dharamsala.

Pour ceux qui ne le connaissent pas bien, Samdong Rinpoche est originaire du Kham. Il a fait ses études de philosophie à Drepung Loseling, sous la houlette de son bien-aimé professeur, Gyalrong Khensur Rinpoche.
Avant de devenir le premier Premier Ministre, Samdong Rinpoche a été plusieurs années Directeur de l'Institut de Hautes Etudes tibétaines de Varanasi (aprsè Gomang Khensur Rinpoche Nagwang Nyimalags ou encore Jangtse Khensur Rinpoche Gedun Sangpo).

Ordination de bhikshuni

La question demeure d'actualité : l'ordination supérieure de bhikshuni va-t-elle ou non être introduite dans les communautés de lignées tibétaines, où la transmission de ladite ordination a été interrompue il y a des siècles et des siècles - sachant que, d'après le Vinaya, seul un Bouddha tel que Shakyamuni (montrant les 32 signes principaux et les 80 marques secondaires) ou un concile pleinier regroupant tous les bhikshu contemporains auraient l'autorité pour prendre une telle mesure.

Le problème posé est, à mon avis, un faux problème : puisque la lignée chinoise a, paraît-il, été maintenue, celles qui souhaitent recevoir l'ordination majeure pourraient aisément l'y recevoir. C'est d'ailleurs ce que pas mal d'Occidentales et quelques Asiatiques ont fait depuis une bonne vingtaine d'années.

Là où ça se complique, c'est qu'au lieu de conserver les traditions existantes chacune en l'état, il y a une demande (ou plus exactement, une exigence) pressante de les mélanger. Et ça, c'est un vrai problème.

Pourquoi ?

Certes, à l'origine, c'est à dire du temps du Bouddha, il n'y avait qu'une seule tradition de Vinaya, et les 18 branches ne sont apparues que plus tard, au fil des siècles.
Sur les 18, il n'en reste que 3.

Je vais vous épargner les noms (pour qui est intéressé, ils sont faciles à retrouver, y compris ici ou là dans ce blog).
Pour simplifier, subsistent à ce jour
- le Vinaya appliqué dans les pays de Sud-Est asiatique (Thaïlande, Cambodge, etc.) et où, d'ailleurs, même lea lignée d'ordination mineure féminine a disparu depuis bien longtemps ;
- le Vinaya qui s'est propagé en Chine et de là, en Corée, au Vietnam ou encore au Japon (mais au Pays du soleil levant, il a été aboli au XIXème siècle, lors de la persécution anti-bouddhiste) ;
- le Vinaya qui a été implanté au Tibet par Shantarakshita et s'est répandu dans des régions limitrophes, dont la Mongolie, le Bhoutan, etc.

O.K. Il s'agit toujours de la Règle monastique, avec un même fonds, et une même finalité.
Mais, ainsi que le dit clairement Pad ma 'Byung gnas, alias Padmasambhava, "très grandes sont les différences" entre les écoles de Vinaya (shin tu tha dad).
Atisha (cité par Buton Rinpoche dans 'Dul ba spyi rnam) surenchérit : Prenez garde à ne pas mêler les Vinaya. Sinon, cela créerait de tels obstacles qu'il en deviendrait impossible d'obtenir l'état d'arhat (et a fortiori l'état de Bouddha).

Autrement dit, vu la tournure actuelle des évènements, si certaines (et d'ailleurs certains aussi, car si le Vinaya est altéré, ce sera au détriment de tout le monde) ont envie de s'engager dans la carrière religieuse pour, tant qu'à faire, en obtenir des résultats, il y a urgence , avant que l'irréparable ne soit commis.
Il est d'ailleurs peut-être déjà trop tard.

Le 100ème Ganden Tripa Lobsang Nyima

'Bras Tsha Blo bzang nyi ma (1929, 2008), auteur de sMad-rgyud chos-'byung (Annales de Gyudmed) est né en 1929, dans le Khams, à Tsha ba Rong Byang dmar. A 12 ans, il est ordonné moine à Tsha ba Brag yul-dgon. A 17 ans, il vient dans le 'Bus (centre du Tibet) et entre à Drepung Loseling - Blo gsal gling (unité régionale du Tsha ba). Il y étudie jusqu'en 1959, auprès de dix maîtres environ. Exilé en Inde, il poursuit sa formation à Buxa.

De 1966 à 1971, il étudie à l'université de Varanasi et présente, en 1971, les examens de lha rams pa à Dharamsala. Après douze jours de débats, le premier rang lui est décerné.
Discipliné, après un court pèlerinage dans les différents monastères reconstitués en Inde, il entre à Gyudmed Datsang et y gravit tous les échelons : rGyud tika skyor dpon (récitant de Guhyasamāja), dge bskos (maître de discipline) et, sans attendre (c'est très rare), vice-abbé puis abbé. Sa louange a également été composée par Kyabje Trijang Rinpoche, en raison de l'absence de son successeur qui se trouvait alors en Suisse...

En 1976, Geshe Lobsang Nyima est nommé abbé de Namgyal Datsang (le monastère rattaché à sa Sainteté le Dalaï Lama et actuellement localisé à Dharamsala). Devenu Byang rtse chos rje en 1984, il demande, en 1987, à être déchargé de la direction de Namgyal Datsang et retourne à Drepung pour enseigner.
Le 31 août 1995, il est intronisé
dGa' ldan khri pa - Ganden Tripa, et devient le 100ème Détenteur du Trône abbatial de Ganden.
En 2001, selon la coutume, il remet sa démission à Sa Sainteté le Dalaï Lama, et devient Khri zur : "Abbé retiré".

Conformément à la tradition d'alternance entre les deux collèges tantriques, c'est le plus ancien des abbés retirés de Gyutö qui lui succède : Geshe Longri Namgyal, qui est ... Français (par naturalisation, fallait-il le préciser ?) et a fondé en région parisienne le Centre Thardeuling.

Mort (clinique) du 100ème Ganden Tripa

Je viens d'apprendre que Sa Sainteté le 100ème Ganden Tripa Lobsang Nyima est décédé il y a dix-sept jours dans un hôpital de Goa.
Depuis, de nombreux fidèles viennent saluer sa dépouille, et les médecins locaux sont quelque peu surpris : le corps demeure intact (Cf. climat indien) et conserve même une certaine tiédeur, qui disparaît normalement peu de temps après la mort clinique.

Pas étonnés, les bouddhistes (enfin, ceux qui sont au courant) sont simplement admiratifs et emplis de foi, car c'est signe que le Maître utilise la claire lumière de la mort pour effectuer les profondes méditations auxquelles il s'était préparé au cours de sa vie au travers de ses études et pratiques, des tantra notamment.

C'est que les Ganden Tripa ne sont autres que les successeurs de Je Tsonkhapa à la tête des gelugpa - accéder à ce rang suppose quelque qualité sans doute...