mercredi 28 juillet 2010

Passé, présent, futur

La notion de temps (dus en tibétain) est loin d'être facile, et au sein des philosophes bouddhistes, on trouve diverses opinions à ce sujet.

D'une manière générale, le temps est classé parmi les phénomènes composés ni forme ni esprit, aux côtés de la vie, etc.

Le (temps) présent est consensuel : phénomène impermanent.
D'ailleurs, c'est évident : à peine pense-t-on à un (phénomène) présent qu'il est fini, passé.

Passé et futur : c'est là que les avis divergent.
Pour les uns (majoritaires), passé et futur sont à mettre sans réserve au rang des existants permanents.

Les prasangika sont d'un autre avis, pas facile, facile à pénétrer.
Pour juste effleurer la question, les prasangika font remarquer que seuls les phénomènes impermanents sont causes et résultats (Cf. liste des synonymes de l'autre jour).

Un existant permanent est certes dépendant de certains autres existants, à commencer par la dénomination qui lui est décernée, par la perception qui l'appréhende et le conçoit, par l'individu qui opère cette perception, etc. Mais il n'en résulte pas, et n'est la cause de rien.
D'accord, il peut être objet de perceptions, mais il n'est pas pour autant une cause productrice d'autre chose.
(Qu'existe une relation de dépendance entre la perception et son objet, cela crève les yeux.
Une relation causale ? A réfléchir. En tenant compte des différents types d'objets - apparaissants, conçus, visés, etc. ; et en n'oubliant pas que les images mentales sont permanentes, et donc ne sont pas des causes.
Bien évidemment, ici aussi, les réponses varieront en fonction des systèmes de pensée.)

Toujours est-il que certains phénomènes du passé ont des répercussions non négligeables par la suite, poursuivent nos philosophes. Parfois longtemps après.
C'est donc que soit ils ne sont pas permanents, soit quelque chose d'impermanent a subsisté, ou est apparu lors de leur disparition.
Et c'est là que ça se complique.
Voir la suite avec quelqu'un de plus compétent que moi.

mardi 27 juillet 2010

Lamrim, partout

Quelle est la nature de l''Enseignement du Bouddha ?

Du point de vue philosophique, la première réponse est que l'Enseignement, en tant que la méthode énoncée il y a dans les 2600 ans en arrière, relève des phénomènes composés, plus particulièrement de la forme, et en fait du son (objet de perceptions auditives).

En tant que le sens exprimé par les mots (vous savez, en linguistique, on parle de "signifié" et de "signifiant"), on peut le décrypter dans les Soutras (issus du Bouddha) ou dans les shastra - traités et commentaires ultérieurs.

Plus généralement, du moment qu'on ait des clefs à disposition, tout devient éloquent ; tout (en ce bas monde) expose, décrit, confirme, illustre l'Enseignement.

Tenez, ces quelques citations :

« Qu’est-ce que la vie ? Une halte dans l’antichambre de la mort. »
« Les amis d’aujourd’hui sont les ennemis de demain. »
« Il n'y a ni bonheur ni malheur en ce monde, il y a la comparaison d'un état à un autre, voilà tout .»

De quel lamrim sont-elles tirées ?

Euh ! Eh bien, ... d'un roman d'Alexandre Dumas.

Pour s'amuser :
A quelles sections du lamrim peut-on rattacher les trois citations ci-dessus ?

vendredi 23 juillet 2010

Empreintes

Je ne viens pas vous entretenir des empreintes (rjes) recherchées par Sherlock Holmes et consort, mais plutôt des "empreintes" (bag chags) - karmiques ou autres - en tant potentialités (nus pa) laissées dans l'esprit par des perceptions prenant fin.

Ben oui, toutes les empreintes, même de la catégories bag chags, ne sont pas "karmiques", tant s'en faut.
Seuls les karma, en tant que facteurs mentaux omniprésents volitions, déposent en se dissipant des empreintes karmiques. Ce qui fait déjà beaucoup.
Mais les autres composantes des perceptions laissent également leurs empreintes.

Est-ce que toutes les perceptions laissent derrière elles des traces, c.a.d. des empreintes ?

Laisser des empreintes signifie déposer des potentialités en mesure de produire ultérieurement des résultats, notamment la capacité de se souvenir ensuite de l'objet pris en compte.
Par ex, la perception visuelle d'une fleur jaune ayant laissé des empreintes, il s'ensuit que plus tard on peut (éventuellement) se souvenir de cette fleur jaune.

Autrement dit, les perceptions machinales (snang la ma nges pa'i blo) ne laissent pas d'empreintes.
Mais les autres, ...

Perceptions ? Attention, danger !

jeudi 22 juillet 2010

Cause et résultat

Bien que tout phénomène composé soit également cause et résultat, il va sans dire - mais disons-le quand même - qu'en aucun cas, un phénomène composé x ne pourrait être à la fois la cause et le résultat du phénomène composé y ! De même que le phénomène composé y ne pourrait pas être à la fois la cause et le résultat du phénomène composé x.

Comment une graine x pourrait-elle être à la fois la cause et le résultat d'une plante y ?
Comment une plante y pourrait-elle être à la fois la cause et le résultat d'une graine x ?
En revanche, la graine x peut être cause de la plante y, et le résultat de la plante w.

Cela va se vérifier pour nos qualités et défauts, pour nos expériences, agréables et désagréables, etc : chacun sera sans doute et cause et résultat, mais pas d'une seule et même chose.
Par exemple, un mal de tête : c'est un phénomène composé, issu de causes et conditions.
C'est aussi un phénomène impermanent (ouf !).
Il est par ailleurs à la fois cause et résultat.
Oui, mais cause de quoi ? Eh bien , par exemple, cause complétive de colère... Et donc cause d'un mauvais karma. Et donc de ses éventuels conséquences. Cause consubstantielle de douleurs ultérieures. Cause directe de ceci ; cause indirecte de cela.
Ainsi, il pourrait aussi être cause de compassion - envers les autres malheureux en proie à la souffrance. Ou cause de générosité. Cause de patience. Cause de retard. Cause d'économie (trop mal à la tête pour manger, ou pour boire). Cause d'échec à un examen (pas pu réfléchir au sujet).

Ce mal de tête est aussi résultat.
De quoi ? Par ex, d'un mauvais karma antérieur. Et pourquoi pas, de la purification de karma mauvais, atténués grâce à la bénédiction des Maîtres et des Bouddhas. Ou encore résultat d'une exposition exagérée au soleil d'été. Ou de la consommation de trop de nourriture, de trop d'alcool. De l'ingestion d'un somnifère. Ou le résultat de l'indigeste lecture de cet article...

En tout cas, par définition, un mal de tête est un phénomène présent, et non passé, ni futur, hélas ! Quand il se produit, il n'a rien d'abstrait ni de virtuel.
Car ce qui est passé ('das pa) n'est plus ; ce qui est futur (ma 'on pa) n'est pas encore : il s'agit d'existants "négatifs" : med dgag, pas susceptibles de directement "faire mal".

Synonymes

Pendant qu'on y est, complétons un peu la liste entamée hier.

Sont donc "synonymes" : phénomène efficient / dngos po ; phénomène impermanent / mi rtag pa ; phénomène composé / byas pa ; cause / rgyu ; résultat / 'bras bu ; agrégat / phung po ; objet apparaissant d'une perception sensorielle dbang shes kyi snang yul ; présent / lta ta ba , etc., etc.

N'est-il pas logique qu'un phénomène impermanent relève du temps présent, et non du passé ou de l'avenir ? Comme vous le savez, par définition, un phénomène impermanent (et donc un phénomène composé, une cause, un résultat, etc.) a une durée d'en tout et pour tout ... un instant.

Bien sûr, il s'agit du temps présent par rapport au phénomène concerné, c'est-à-dire par rapport à son apparition, et en aucun cas du temps présent par rapport au locuteur évoquant ledit phénomène : pour le locuteur, ce phénomène peut relever du passé et du futur, pas forcément du présent.
Par exemple, si nous parlons ensemble de Noël dernier, pour nous, c'est du passé, mais quand il s'est produit, c'est-à-dire quand il était phénomène efficient, ce Noël se situait dans le présent, de l'époque. Pas celui de maintenant.

Question pour s'amuser : dans quelle subdivision des phénomènes se classe Noël ?

mercredi 21 juillet 2010

Métalangage et causes

Ah ! les conventions !

Quand jadis j'ai commencé à mettre le nez dans ds traités de philosophie bouddhistes, ma patience a été soumise à rude épreuve.
Déjà, en tibétain, ce n'est pas toujours limpide, limpide.
Mais en plus, quand on transpose dans une langue comme le français, qui est magnifique mais est soumise à une grammaire et une syntaxe assez contraignantes, ça devient assez stressant.

Tenez, comment interpréter l'affirmation que "phénomène composé (faisons simple), cause, condition, résultat" sont ... "synonymes" (don gcig, littéralement "même sens") ?

Un exemple sera sans doute plus clair qu'un semblant d'explication :
une Maman est un phénomène composé, car elle est née de causes et de conditions. Elle est donc aussi un résultat (de ses causes et conditions, notamment de ses parents). Mais elle est aussi une cause : elle est cause de son/ses enfant(s) - faute de quoi elle ne serait pas une Maman.

Prenons maintenant l'exemple des agrégats :
ils sont des phénomènes composés, nés de causes et conditions, notamment des agrégats qui les ont précédés. Ils sont donc par définition ds résultats. Mais ils sont aussi les causes d'agrégats qui vont leur succéder.

Par rapport aux agrégats consécutifs de même substance qu'eux, ils sont causes consubstantielles. Par rapport à d'autres agrégats, ils sont causes complétives.
Ainsi le facteur mental volition de l'instant "b" va-t-il servir de cause consubstantielle pour la volition de l'instant "c", etc. Il pourra en outre servir de causes complétives pour pas mal d'autres choses : une renaissance en tant que ceci ou cela, etc.
Prenons l'exemple de l'agrégat de la forme (le corps) de l'instant "d" : il est cause consubstantielle de l'agrégat de la forme de l'instant "e", etc., tout en servant de cause complétive pour les autres agrégats : la conscience a besoin d'un support ; certaines sensations sont physiques ; ce qui relève du toucher dépend du plan physique, etc.


Ceci dit, ce n'est pas parce que "phénomène composé", "cause" et "résultat" sont présentés comme "synonymes" qu'il faudrait en tirer des conclusions absurdes.
Un seul et même phénomène est certes de manière générale et cause et résultat. Mais en aucun cas, il ne pourrait être sa propre cause, ni son propre résultat.
Par ailleurs, une cause et son résultat ne sont jamais simultanés (quoi qu'en disent certains philosophes, par ex Vaibhashika).

Des causes 2

Les causes de (résultats à) pleine maturité (rnam smin gyi rgyu) consistent en les vertus et les non vertus, les unes et les autres souillées.
Pour prendre des exemples de chaque catégorie : un karma de tuer ; un karma de donner, etc.

En revanche, les karma neutres ne sont jamais des causes de résultats à pleine maturité, car ils n'ont pas la capacité, ou le pouvoir, de produire de tels résultats.
Ils sont comparés à des graines pourries, incapables de germer.
Voilà qui est important dans le cadre de la pratique ! D'où l'importance de la motivation et de la dédicace.
Italique
Les vertus non souillées ne donnent d'ailleurs pas non plus de résultats à pleine maturité, mais pour une tout autre raison :
elles sont désormais à l'abri de l'arrosage déversé par les facteurs perturbateurs :
c'est en effet ce redoutable klesha qu'est la soif (sred pa) qui renforcent les karma au point de les rendre capables de produire des résultats.
Tout ça pour dire que notre pire ennemi est notre attachement, en dépit ou plutôt à cause de ses aspects doucereux.

NB Dans ce contexte, "souillé" (zag bcas) signifie "avoir un quelconque lien avec les facteurs perturbateurs", que ce soit en tant que cause, résultat ou autres.

Des causes

Il existe toutes sortes de causes (rgyu) : - causes directes ou indirectes ; causes consubstantielles ou complétives, etc.

Les causes consubstantielles (nyer len gyi rgyu) sont les causes qui, principalement, génèrent leurs résultats en tant qu'un même continuum de substance (rang gi rdzas rgyun du gtso bor skyed byed).
Ex : les cinq agrégats souillés.

A l'inverse, les causes complétives n'interviennent pas principalement sur ce plan du continuum de substance.

A noter :
Tout phénomène composé est cause complétive.
Tout phénomène composé pourvu d'un continuum est cause consubstantielle.

Sources d'erreur

Il peut, mais si, nous arriver d'avoir des perceptions non représentatives (c'est à dire "directes" au sens de n'utilisant pas d'image mentale) qui soient erronées.

Selon les cas, l'origine de l'erreur réside dans le support ('khrul rgyu rten la yod pa), dans l'endroit ('khrul rgyu gnas la yod pa), dans l'objet ('khrul rgyu yul la yod pa) ou encore dans la condition immédiate ('khrul rgyu de ma thag rkyen) de la perception incriminée.

Le support ? Ici, il s'agit du sens, cad de la faculté sensorielle : un sens de la vue défectueux peut faire voir double, ou altérer les couleurs, etc.

L'endroit, c'est le point où se situe le sujet percevant : qui, dans un train en marche, n'a jamais "vu" les arbres bouger ?

Pour ce qui est de l'objet, ne suffit-il pas de faire tournoyer un brandon incandescent devant quelqu'un pour que celui-ci "voit" un cercle de feu.

Quant à la condition immédiate d'une perception, vous vous souvenez que c'est la perception immédiatement précédente. Eh bien, quand on dit que la colère nous fait voir rouge, ce n'est pas qu'une figure de style : quand la colère sert de condition immédiate à une perception visuelle, elle peut altérer les coloris perçus...

Puisque tout s'en mêle, comment s'étonner de nos nombreuses impressions fausses ?

samedi 17 juillet 2010

Le bouddhisme, c'est la santé

Le 25 juin, j'ai eu l'honneur et l'avantage de devoir représenter l'UBF à une rencontre organisée par l’Association Française d’Echanges et d’Initiatives, sur le thème prometteur de la "santé publique" !

J'étais censée faire un exposé à propos de "Bouddhisme et santé". Pas évident, croyez-moi.
A mon grand soulagement, les autres intervenants, pourtant beaucoup plus aguerris que moi, ont fait part d'un embarras similaire devant le sujet qui nous avait été proposé.

Il y avait en effet du beau monde cette après midi là, au Sénat :
Autour de Denis Clair, président de l’Association Française d’Echanges et d’Initiatives et animateur de la rencontre, étaient présents le Pr Ruszniewski, chef de service de gastro-entérologie à l’Hôpital Beaujon, Monseigneur Michel Dubost, évêque d’Evry, Hadj-Eddine Sari, professeur au Canada et ancien porte-parole de la Mosquée de Paris, Jacques Halbronn, historien et spécialiste du Judaïsme, Mme Murcovak, conseillère de l’Ambassade de Croatie, Gabriel Goyau, représentant de l’Union Rationaliste, et ... moi.
La synthèse de conclusion fut remarquablement effectuée par le Pr Morère, chef du service de cancérologie à l’hôpital de Bobigny, à qui je tire sincèrement mon chapeau.

Bref, les exposés ayant été enregistrés, si cela vous intéresse, vous pouvez les écouter sur le site de la radio Vivre FM 93.9, en trois parties :

Rencontres de tous les temps du 03/07/10
Rencontres de tous les temps du 04/07/10
Rencontres de tous les temps du 05/07/10

Les objets de perception - suite

Cher Patrick, je ne comprends pas bien, dans votre article, l'énoncé :
"objet saisi : objet qui serait "sujet" de l'objet apparaissant".

Je me demande s'il n'y a pas ici un amalgame avec les deux aspects d'une perception, respectivement appelé "aspect perçu" (zung rnam ; littéralement "aspect saisi" ) et "aspect percevant" ('dzin rnam). En d'autres termes, une perception présenterait simultanément deux facettes, ou remplirait deux fonctions, avec une partie montrant l'aspect de l'objet, et l'autre partie appréhendant cet aspect.
A vérifier.

A noter :
A l'exception des philosophes vaibhashika, tous les autres philosophes bouddhistes admettent que les perceptions même sensorielles n'appréhendent pas les éventuels objets extérieurs constituant leur condition objectale, et ce d'autant plus que, par définition, les causes et conditions précèdent leurs résultats. Les perceptions appréhendent l'apparence - mentale - de l'objet.
Laquelle apparence est conditionnée non seulement par l'objet extérieur, mais aussi (et surtout) par les karma dont le sujet est porteur...

jeudi 15 juillet 2010

Refuge

"Soyez à vous-même votre propre lumière, votre propre refuge, ne cherchez pas d'autre refuge que vous même.", dit le Bouddha.

Les objets de perception

A ce que j'ai retenu à ce jour des Enseignements reçus de mes Maîtres,
en précisant que j'ignore beaucoup de choses, qu'il m'arrive bien souvent de croire à tort avoir compris et qu'en outre, il n'y a pas une seule et unique façon d'appréhender une question, mais plusieurs, en fonction de l'angle, de l'école philosophique prise en référence, etc.

Les indications ci-dessous correspondent à la présentation la plus usuelle, fondée sur le système sautrantika.

Les objets de perceptions relèvent forcément des connaissables (shes bya), et donc des existants (yod pa).

Les objets les plus souvent évoqués sont les objets apparaissants / snang yul et les objets conçus / zhen yul.

Il existe d'autre catégories, bien sûr :
objets saisi / gzung yul (qui équivaut à l'objet apparaissant)
objet introductif / 'jug yul
objet du mode de saisie / 'dzin stangs kyi yul
objet visé / dmigs yul.

Toute perception, représentative comme non représentative, a un objet apparaissant.
Par ex, quand nous voyons la Tour Eiffel, l'objet apparaissant est la Tour Eiffel,.
Quand nous pensons à Tour Eiffel, l'objet apparaissant est l'image mentale de la Tour Eiffel.

Dans la mesure où l'objet saisi équivaut à l'objet apparaissant, toute perception en a un.

En revanche, les objets conçus, introductifs et "du mode de saisie" n'existent que lors des perceptions correctes.

Par ailleurs, seules les perceptions représentatives correctes ont un objet conçu.
Par ex, quand nous pensons à Tour Eiffel telle qu'elle est, l'objet conçu est la Tour Eiffel.
Si nous pensons à quelque chose qui est le pur produit de notre imagination, par une Tour Eiffel en or massif de 500m de haut, il n'y a pas d'objet conçu, pour la bonne raison que le quelque chose qui nous est apparu à l'esprit ... n'existe pas (l'image mentale de ce quelque chose, elle, existe).

Passons à l'objet introductif :
Lors d'une perception non représentative correcte, il équivaut à l'objet apparaissant.
Lors d'une perception représentative correcte, il équivaut à l'objet conçu.
Autrement, du moment qu'on voit la Tour Eiffel telle qu'elle est, ou qu'on y pense sans commettre d'erreur, l'objet introductif est la Tour Eiffel.

Il en va grosso modo de même dans le cas de "l'objet du mode saisie".

Quid de l'objet visé ?
Il consiste en l'objet pris en compte par la perception.
Ainsi, quand nous "voyons" des cornes à un lièvre, l'objet visé n'est autre que les oreilles du lièvre.
Quand nous prenons un bout de corde pour un serpent, l'objet visé est le bout de corde.
Ceci entraîne que la saisie du soi et la sagesse comprenant le non soi ont le même objet visé.

Premier Enseignement du Bouddha

Selon le calendrier lunaire tibétain, nous sommes aujourd'hui le 4ème jour du 6ème mois, jour où l'on commémore le tout premier Enseignement dispensé par le Bouddha Shakyamouni : le Soutra des quatre nobles vérités /'phags pa'i bden pa bzhi - "nobles" au sens de "réalités telles que perçues par les "nobles", alias "arya" (en tibétain : 'phags pa).

Bref, c'est une date très importante dans le calendrier bouddhiste.

jeudi 8 juillet 2010

Saisies de soi et conventions

Pour communiquer, nous sommes obligés d'utiliser ces conventions nominales (c'est le moins qu'on puisse dire) que sont les mots, et si nous ne nous mettons pas relativement d'accord sur le sens que nous leur accordons, bonjour les malentendus.

Par exemple, à propos des "perceptions" (shes pa), d'une manière générale, une perception est une "saisie" ('dzin pa), en ce sens qu'elle saisit, ou appréhende, ou encore voit son objet.

Cependant, souvent, par convention, on emploie le terme "saisie" à propos de perceptions fausses, c'est à dire de perceptions qui se trompent du tout au tout à propos de l'objet perçu par elles.

Un exemple "fameux" (est-ce là un terme idoine ?) est celui de la saisie du soi, sous-entendu un "soi" indépendant des agrégats.
Mais prenons un exemple plus simple, de n'importe quoi d'inexistant, comme l'eau d'un mirage.
A la source de cette perception, quelque chose existe, d'accord, mais ce n'est pas de l'eau.
Or, notre perception visuelle "voit" de l'eau, et la perception mentale qui la continue catalogue son objet comme étant de l'eau.

L'objet "eau" perçu par la perception en question existe-t-il ? Non.

Pourrait-on dire que l'objet, disons l'objet apparaissant, de la perception de l'eau du mirage est la lumière ? Non.
Cf. les définitions des "objets apparaissants (snang yul) et conçus (zhen yul) des perceptions"

Il suffit maintenant de faire le même raisonnement à propos de la saisie du soi.
Il n'est donc sans doute pas possible d'avancer que l'objet de la saisie du soi consiste en les agrégats.
L'objet de la saisie du soi est, ou plutôt serait le soi tel qu'il apparaît alors, c'est à dire quelque chose qui justement n'a aucun lien avec les agrégats.
En d'autres termes, le soi auquel il est fait allusion dans l'expression "saisie du soi" relève des "inexistants" (med pa). Tandis que les agrégats relèvent des existants composés.

dimanche 4 juillet 2010

La saisie du soi

Comment caractériser "la saisie du soi", en tibétain bdag 'dzin, Cher S. L. ?

Le seul moyen de résoudre cette question pertinente est de vérifier systématiquement les possibilités et les impossibilités, en se posant un certain nombre de questions, inspirées par les différentes classifications de perceptions traditionnellement admises dans la philosophie bouddhique.

La saisie du soi est-elle ou non une perception ? Oui, selon le bouddhisme.
Ceci étant posé, je vous laisse réfléchir aux questions suivantes, car il n'y aurait pas le moindre intérêt à fournir les réponses.

Parmi les classifications binaires des perceptions,
La saisie du soi est-elle une perception avérée (tshad ma pramana) ou non avérée (tshad min gyi shes pa) ?
Est-elle une perception représentative (rtog pa) ou non représentative (rtog med kyi shes pa) ?
Est-elle une perception inexacte ('khrul shes) ou exacte (ma 'khrul pa'i shes pa) ?
Est-elle une perception sensorielle (dbang shes) ou mentale (yid shes) ?
Est-elle un mental principal (une conscience / sems) ou un facteur mental (sems byung) ?

Parmi les sept types de perceptions,
Peut-elle être une perception directe (mngon sum) ?
Peut-elle être une perception avérée discursive (rjes dpag) ?
Peut-elle être une perception précaire (yid dpyod) ?
Peut-elle être une perception machinale (snang la m nges pa'i blo) ?
Peut-elle être une perception avérée consécutive (dpyad shes) ?
Peut-elle être une perception fausse (log shes) ?
Peut-elle être une perception dubitative (the tshom) ?

vendredi 2 juillet 2010

Des perceptions 3

"Les perceptions sensorielles de l'Arya sont-elles différentes des nôtres" ?

Il m'est difficile de répondre car je ne suis pas arya. Mais cela n'empêche pas de réfléchir à la question.

Peuvent-elles être strictement identiques ?
Il faut ici tenir compte de la distinction entre les Aryabuddha et les Arya pas encore Bouddhas.
Dans le cas des Aryabuddha, par définition omniscients, les perceptions ne sont plus limitées, ce qui entraîne qu'elles ne sont plus non plus "spécialisées" : à leur propos, il n'est plus pertinent de parler de perceptions visuelles, auditives, olfactives, gustatives, tactiles et mentales distinctes, toutes les perceptions incluant désormais les six aspects. La différence est donc énorme.

En revanche, en-deçà de l'état de Bouddha, les êtres, même arya, ne peuvent qu'avoir des perceptions spécialisées par catégorie d'objets.

On peut cependant concevoir quelques nuances selon les niveaux atteints ou non :
par exemple, une fois que le voile des facteurs perturbateurs est dissipé, et que la personne concernée est devenue un Arhat, elle n'a désormais plus que des perceptions pures (dag pa), etc.

Par définition, un Arya est quelqu'un qui a obtenu la compréhension directe du non soi (ou si vous préférez, de la vacuité).
Voilà qui a sans doute un certain impact sur les perceptions sensorielles de l'Arya : même si jusqu'à un certain stade, les objets perçus continuent à montrer une fallacieuse apparence de réalité, il n'est plus dupe.
Et cela aussi, c'est une différence de taille.

Des perceptions 2

En réponse à Patrick, eh bien oui, seules des perceptions "mentales" peuvent appréhender les objets non matériels, tels que le non soi mais aussi l'amour ou encore l'impermanence : de tels objets échappent aux cinq sens.

Pour résumer, les objets que peuvent appréhender les perceptions visuelles, auditives, olfactives, gustatives et tactiles, peuvent aussi être appréhendés par des perceptions mentales. Ainsi pouvons-nous penser à une fleur, un chant d'oiseau, une mauvaise (ou une bonne) odeur, un fruit sucré, un tissu soyeux, etc.

L'inverse n'est pas vrai : pas mal d'objets de perceptions mentales, en fait tous les phénomènes qui ne sont pas concrets, ne sont pas du ressort des perceptions sensorielles. Ainsi ne pouvons-nous pas voir la vacuité, ni l'entendre, ni la sentir. "Seulement" y penser.